L’affaire Farewell

L’affaire Farewell

L’affaire Farewell de Christian Carion

Après Joyeux Noël (des scènes de fraternisation entre soldats ennemis pour le premier noël de la guerre de 1914-1918), Christian Carion s’attaque à nouveau à un sujet historique extraordinaire : l’affaire Farewell, nom de code d’un agent soviétique, Vladimir Vetrov, qui transmis d’innombrables informations (des listes complètes d’espions soviétiques infiltrés à l’Ouest) à la DST (Direction de la Surveillance du Territoire). Mitterrand se servit d’ailleurs desdites informations pour redorer son blason auprès du président américain Reagan qui voyait d’un mauvais oeil une France comptant parmi les membres de son gouvernement, des ministres communistes.

Guillaume Canet joue Pierre Froment, ingénieur en poste à Moscou qui va se trouver au contact de l’agent russe, un peu par hasard et tout à fait contre son gré. Les relations complexes entre les deux hommes constituent le coeur du film. Le réalisateur, Emir Kusturica, hérite du rôle superbe de Farewell, espion soviétique autrefois en poste à Paris, qui en a conservé la nostalgie et qui , un peu avant Gorbatchev, a soif de changements pour son pays.

Très ambitieux par son sujet, surtout dans un cinéma français - qui a plus tendance à sonder les difficultés sentimentales des bobos du 6ème arrondissement qu’à s’attaquer à des sujets aussi riches - le film a le mérite de faire revivre avec vraisemblance ce moment de la guerre froide, finalement peu montré au cinéma, du moins en-dehors de sous-marins… Le tournage du film semble avoir été un peu complexe du fait des atermoiements russes : les autorisations de tournage ne vinrent pas car un des principaux diplomates concernés a été expulsé à la suite des révélations de « Farewell ».

Les deux acteurs principaux sont excellents : Canet donne beaucoup de crédibilité à son rôle d’apprenti espion débordé et Kusturica donne une belle densité à son personnage, il est vraiment passionnant. Tourné en partie à l’Elysée, le film se paye le luxe de nous offrir un faux Reagan et un faux Mitterrand, et une reconstitution fidèle de la vie derrière le rideau de fer. Toutefois on regrette le parti pris de nous montrer toutes les facettes de la situation, ce qui enlève beaucoup du suspense qu’aurait comporté un film uniquement tourné sous l’angle de Guillaume Canet. Par ailleurs Christian Carion nous rend intelligible cette histoire complexe, et c’est à son honneur. Si la mise en scène est sans doute un peu sage, on suit cependant, avec beaucoup d’intérêt une belle page d’histoire pour le moins décisive. On notera que l’affiche du film comporte une citation du président Reagan « une des plus grandes affaires d’espionnage du 20ème siècle » : une manière de réhabiliter un homme (montré avec peu d’indulgence dans le film) dont il nous avait échappé jusque là l’épaisseur de l’analyse géostratégique….

BORIS FICHOU

 
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