Vincere

Vincere

Vincere de Marco Bellocchio

Il est possible qu’il faille vaincre ses réticences pour aller voir un film politique italien si vanté par la critique (on sait que les Français ont parfois tendance à bouder ce genre), mais cela vaut vraiment la peine d’aller au cinéma car Marco Bellocchio filme dans Vincere –sans conteste l’un des plus beaux films de l’année- le destin tragique d’une maîtresse de Mussolini (une parmi beaucoup d’autres…) avec laquelle, le mystère subsiste aux yeux des historiens. Ils se seraient peut-être mariés, et c’est là tout le problème car Mussolini avait une (autre) épouse et devait afficher l’image d’un père de famille et époux modèle.

Ida Dalser est donc une femme passionnément amoureuse du futur dictateur italien. Mais, dans une belle scène d’introduction on comprend que cet amour n’est pas vraiment réciproque. Un petit garçon naît en tout cas de leur relation, un petit Benito Albino (joué par le même acteur que son père). Le film conte donc l’histoire vraie et incroyable d’une femme qui est à la fois la première admiratrice du Duce, une admiratrice éperdue, fanatique mais qui va devenir d’une certaine façon sa première (disons : l’une de ses premières) opposante. Et son destin est en effet particulièrement tragique menacée, puis reléguée dans un asile et enfin, séparée de son fils. Clamant son amour/haine de Mussolini à des religieuses dubitatives ou complices du régime en place, l’héroine ne souhaite qu’une chose : revoir son fils. On perçoit en filigrane la montée du totalitarisme à travers les yeux d’Ida Dalser, fan de la première heure, devenue opposante malgré elle, qui assiste à cette mise au pas caractéristique du totalitarisme (mais avec près de dix ans d’avance sur l’Allemagne nazie).Dans le film, tout impressionne : le jeu des acteurs bien sûr, avec une Giovanna Mezzogiorno remarquable tout autant que Filippo Timi qui joue Mussolini (avec d’incroyables scènes de discours).

Sans oublier, la mise en scène, la photographie, l’utilisation de la musique, l’intelligence du propos, tout est remarquable ! L’histoire de l’Italie est observée notamment depuis les salles obscures où sont projetées des actualités d’époque et des oeuvres de propagande ; l’Italie fasciste ayant beaucoup contribué à l’édification d’un cinéma de propagande (peplums, films de guerre etc…). Nous avons ainsi d’une certaine façon trois films (et chacun est vraiment remarquable) : un film d’amour, un film historique et un film sur l’histoire du cinéma. En sortant de la salle, on a du mal à penser qu’il ait pu être oubliédu palmarès cannois. Sur le totalitarisme, le film semble en effet plus intéressant que le film de Heneke (Ruban Blanc) et pour réfléchir sur certains aspects de l’Italie contemporaine (le pouvoir de séduction du chef, les femmes, la maîtrise démagogique du discours…) Vincere ne semble pas inutile…

BORIS FICHOU

 
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