Interview : La danoise ANNE VILSBOLL rend hommage au poète français CHARLES TRENET

La Rédaction : Racontez-nous tout d’abord votre parcours artistique ?
Anne Vilsboll :  Je réalise des peintures depuis trente ans maintenant. J’ai étudié le français et l’histoire de l’Art au Danemark et en France puis j’ai appris à fabriquer le papier aux Etats-Unis. A partir de là, toutes mes créations, je les ai faites sur mon propre papier. Ces vingt dernières années, j’ai vécu de mon art, de mes peintures. Je travaille avec des galeries, des musées et je fais surtout de grands projets. Grâce à ces projets, les personnes viennent à moi pour m’en proposer d’autres. C’est comme cela que l’histoire avec Charles Trenet a commencé. Début 2009, une fondation m’a demandé si je voulais m’inspirer de ce poète pour lui dédier un musée. Avant cela, je ne connaissais pas trop Charles Trenet mais lorsqu’on m’a invitée sur ce projet, j’ai lu et écouté ses chansons, vu des films et j’ai compris qu’il y avait beaucoup de matériaux à exploiter. J’ai bien aimé ses poèmes car ils sont pleins de métaphores, de mélancolie et de jeux de mots.

La Rédaction : En regardant vos peintures, nous découvrons del’abstrait, des hommages, des portraits. Comment définiriez vous votre peinture ?
  Anne Vilsboll :  Il y a avant tout les humains et leurs histoires comme lorsque j’ai réalisé les portraits des doyennes de Saint-Jeannet en 2005. Les couleurs m’intéressent beaucoup mais, pour les utiliser, j’ai besoin d’une histoire. Parfois, mes peintures sont réalistes ; d’autres fois, elles sont beaucoup plus abstraites. Cela dépend de mon humeur et le thème sur lequel je travaille. Lorsque, par exemple, je peins d’après un poème, je peux utiliser l’abstrait (dans ce cas, je privilégie plus les couleurs) mais aussi, réutiliser les figures employées par l’auteur de manière plus concrète, pour faire des descriptions précises.

La Rédaction : Comment va être organisée l’exposition dédiée àCharles Trenet, basée à la Galerie Art du Nord de Vence ?
  Anne Vilsboll :  L’exposition s’appelle « Hommage à un poète enTrenet». Chaque tableau représente une chanson : j’ai utilisé « La Mer », «Le soleil et la lune », « L’âne et le gendarme » etc... Je pense que les paroles seront affichées et que les spectateurs pourront également écouter les morceaux. Dans la plupart des expositions, tous les tableaux racontent une histoire ensemble alors qu’ici chaque oeuvre est sa propre histoire.

La Rédaction : Qu’est-ce qui vous a inspirée dans l’oeuvre de Charles Trenet ?
  Anne Vilsboll :  Sa vie n’a pas été facile. Toutes ses chansons tournent autour des mêmes thèmes : les relations entre les hommes et les femmes, la vie. J’ai senti qu’il avait besoin de nous donner le choix. D’ailleurs dans ses textes, il y a sans cesse une dualité, un choix, des oppositions ; un intervalle entre l’abstrait et le concret. Lui était pareil sur scène : le public l’appelait le «fou chantant » parce qu’il était toujours enjoué mais derrière ce masque, il était un homme assez mélancolique. Cela m’a profondément touchée. Cette dualité est intéressante à peindre car je peux choisir de le montrer clairement ou de le cacher. Ce qui m’intéresse, c’est : « comment les artistes vivent leur vie à cause de l’art ». Je crois que cet homme s’accrochait à sa musique pour survivre et pour faire ressortir les belles choses de la vie.

La Rédaction : Lorsque vous dites que Charles Trenet s’accrocheà ses poèmes pour survivre, ne ressentez-vous pas la mêmesensation envers vos peintures ?
  Anne Vilsboll :  Oui, bien sûr. Cela reflète aussi ma manière devivre. Être peintre, c’est une vie très dure. Moi, je ne peux pas faire mes peintures « socialement ». Il faut faire le choix de la solitude avec la peinture. C’est pour cela que je travaille beaucoup par période puis après, je pars en voyage en Inde notamment. J’aime changer mon environnement de travail car cela influence mes oeuvres. Cela me fait prendre du recul sur mes créations. Charles Trenet m’a attirée car, je ressens une certaine mélancolie, tout comme lui, due à la solitude dont j’ai besoin pour peindre.

La Rédaction : Parmi toutes leschansons, est-ce qu’il y en a unequi vous a le plus touchée ?
  Anne Vilsboll :  Beaucoup d’entre elles m’ont touchée : «Le peintre perdu », « Les anges sont partis »,… Lorsque j’écoute des chansons, ce que j’apprécie également, c’est leur rythme,leur swing. Ces tempos apparaissent dans mes tableaux à travers les couleurs utilisées ainsi que les différents niveaux de lecture des textes. Sinon, j’apprécie particulièrement « Y’ a de la joie » car elle a un bon rythme.

PROPOS RECUEILLIS PAR LAURA CAPRINI

Galerie Art du Nord – 22 chemin de Sainte-Colombe à Vence 04 93 58 34 10

Pour voir plus : www.annevilsboll.com ou www.makanne.dk